La visite d'un squat du faubourg (08/2020)

Lundi midi, Gérard nous ouvre la porte de son nouvel hébergement, au 73 rue du Faubourg Saint Antoine, dans le 11e arrondissement de Paris.

Une partie de la façade est masquée par une palissade joliment décorée par un graffiti : ce sont les artistes du squat qui ont peint sur la palissade.

-“Venez, entrez ! Vous voyez, cette serrure, c’est nous qui l’avons posée… L’ancienne était cassée quand on est arrivé. Alors, on l’a changé pour éviter que n’importe qui entre dans le bâtiment. Car l’immeuble était ouvert, avant ça…”

Le très vieil escalier est tout en bois !
Le très vieil escalier est tout en bois !

Nous voilà dans la cage d’escalier : 

“Alors, c’est peut-être cet escalier qui va sauver l’immeuble… Il est ancien, et pour la sauvegarde du vieux Paris, il faut le préserver.”

L’escalier est très vieux, les marches ont bougé et sont parfois penchées…

La cage d'escalier
La cage d'escalier

-“Quand nous sommes arrivés, les fenètres étaient grandes ouvertes… la pluie pénétrait à l’intérieur…. comme les pigeons… C’était dégoutant, il a fallu tout nettoyer !

On sait que certains propriétaires laissent ainsi leur bien ouvert au quatre vents… Ensuite, quand l’immeuble est trop dégradé, cela donne une bonne excuse pour le détruire en prétextant qu’il serait trop compliqué de le remettre en état…”

Chambre 40 : 353€, charges comprises
Chambre 40 : 353€, charges comprises

Nous pénétrons dans une des chambres à l’étage :

-“voilà, cétait un hôtel meublé…

Vous avez encore le prix des chambres au dos des portes : vous avez vu le prix auquel c’était loué ???”

Effectivement, pour des tarifs datant de plusieurs années, c’était excessif !

Chambre 38 : 482€, charges comprises
Chambre 38 : 482€, charges comprises

-“Ce sont des Chibanis* qui habitaient ici…

Comme ils ne voulaient pas quitter l’hôtel, dont ils payaient pourtant le loyer, ils ont été expulsé par la police, à la demande des propriétaires….

Là, sur les murs du palier, c’est l’inventaire des chambres… fait par les propriétaires, après l’expulsion des Chibanis !

Et depuis, quelques années plus tard, l’hôtel est vide et inutilisé ! C’est rageant, quand on pense au nombre de personnes qui n’arrivent plus à se loger sur Paris !!!”

L(inventaire des chambres après l'expulsion des Chibanis
L'inventaire des chambres, après l'expulsion des Chibanis
Une chambre meublée par unrésident
Une chambre meublée par un résident

Nous visitons plusieurs chambres de tailles diverses, mais petites, avec un ameublement restreint : lit, bureau, quelques oeuvres d’art aux murs.

L'aménagement des chambres demande d'abord un bon nettoyage
L'aménagement des chambres demande d'abord un bon nettoyage
Une première cuisine...
Une première cuisine...

Certaines chambres ont une cuisine…

Ce sont les nouveaux résidents qui les ont meublées.

Une autre cuisine
Une autre cuisine
La cuisine du studio loué 353€
La cuisine du studio loué 353€

Voilà la cuisine du studio loué 353€ !

L'oeuvre d'un résident, étudiant aux beaux arts de Cergy

-“Pour une partie, les habitants sont des étudiants de l’école des beaux arts de Cergy. Certains sont diplômés, d’autres n’ont pas encore fini leurs études… 

Mais pour tous, il est impossible de trouver un logement à Paris… 

Il y a aussi quelques personnes qui ne sont pas étudiantes… 

Au total, c’est environ une vingtaine de résidents qui se sont installés ici, chacun avec sa chambre individuelle !”

Gérard nous raccompagne à l’extérieur : 

-“Il y a aussi l’ancienne boutique au rez-de-chaussée :

nous imaginons pouvoir la transformer en galerie d’exposition du travail des artistes, car elle a pignon sur rue, cela permettrait aux résidents et aux habitants et visiteurs du faubourg de pouvoir se renccontrer !”

D’ailleurs, à propos des voisins : 

-“Les habitants du quartier nous ont plutôt réservé un bon accueil : ils ont vu que nous prenons soin du bâtiment, nous ne créons pas de problèmes, et notre présence empêche que des nuisances soient créées par d’autres…”

Chambre avec vue... sur la cour et une partie des voisins !

Nous sommes là à la marge du XIe arrondissement.

Une vingtaine de personnes sont concernées par cet hébergement, c’est peu.

Et entre artistes et squatteurs, certains pourraient penser que ce sont des problèmes (de) marginaux.

Mais, comme souvent, la marge parle mieux du centre que le centre lui-même !

L’hébergement est le problème majeur à Paris aujourd’hui :

L’accession à la propriété est tout simplement inenvisageable pour une grande partie de la population, le prix des loyers est définitivement excessif pour beaucoup.

Que deviendra la capitale, si elle n’est plus capable d’accueillir… 

ses jeunes, ses étudiants, ses artistes, ses travailleurs, ses employés et ses retraités ?

*Les Chibanis :

Ou les “têtes argentées”. Cette expression respectueuse fait référence aux travailleurs venus du Maghreb (Maroc, Tunisie, Algérie) après la seconde guerre mondiale, pour pallier au manque de main-d’oeuvre masculine en France, afin de travailler dans le BTP et les usines. Aujourd’hui, quelques décennies plus tard, tandis que les cheveux ont désormais blanchis, certains vivent toujours en France, dans des situations parfois extrêmement précaires.

A bientôt dans nos quartiers !